GENIE CIVIL & OUVRAGES D'ARTS

1)      Pourquoi les END dans ce secteur ?

En matière de construction d’ouvrages de génie civil, les contrôles et essais non destructifs sont indispensables pour s’assurer de la qualité des matériaux, de la qualité de l’exécution, de la conformité de la construction au cahier des charges et in fine de la sécurité que doit présenter la structure.

Dans le domaine des ouvrages existants, les END sont également des outils indispensables à la surveillance et à la maintenance des diverses structures. Ils englobent les inspections visuelles (visites et inspections détaillées) qui sont des éléments importants de la surveillance organisée et qui participent au pré-diagnostic, ainsi que les techniques d’auscultation et d’instrumentation qui sont particulièrement utiles pour établir le diagnostic puis le pronostic de l’état de l’ouvrage, étape indispensable avant l’établissement du projet de réparation ou de renforcement, puis sa mise en œuvre. Les END concourent ainsi à la maîtrise des risques, à l’exploitation opérationnelle des ouvrages de GC et à la conservation du patrimoine.

De longue date, l’inspection visuelle a été pratiquée, pouvant être accompagnée ou non de relevés topométriques. Des efforts conséquents de recherche et de développement ont été faits dans les années 1960 à 1990 par le réseau des Laboratoires des Ponts et Chaussées, et par de grands maîtres d’ouvrages (l’Etat, l’EDF, la RATP, la SNCF, …), avec la mise au point de nombreuses méthodes d’auscultation et d’instrumentation. A partir des années 2000, cette action a été ouverte et étendue aux industriels et aux chercheurs universitaires en lien avec des projets nationaux et internationaux.

 

2)      Installations matériels ou composants concernés :

Les ouvrages de génie civil sont d’une très grande diversité et accompagnent très souvent le développement des activités humaines. Ils recouvrent les infrastructures linéaires comme les routes, les voies ferrées, les transports guidés, les remontées mécaniques, les canaux, les canalisations, les pistes d’aviation, les supports de lignes électriques, ainsi que les structures tridimensionnelles comme les ponts, les tunnels, les tranchées couvertes, les ouvrages de soutènements, les déblais et remblais, les parkings, les barrages, les digues, les écluses, les quais, les plateformes offshore, les réservoirs de liquide ou de gaz,  les enceintes nucléaires, les aéroréfrigérants, les fondations et fûts d’éoliennes, …etc.

Le gros œuvre des bâtiments de grande taille ou exceptionnels comme les tours de grande hauteur, les stades, les gares, les aérogares, les structures monumentales,… est souvent assimilé au domaine du génie civil. 

La durée de vie des ouvrages varie d’une trentaine d’années pour des ouvrages à durée de vie volontairement limitée ou à pathologie très précoce, à plus de 2000 ans comme le pont du Gard en France ou le Panthéon à Rome.  La norme dite « Eurocode 0 » prévoit une durée d’utilisation de projet de 100 ans pour les bâtiments monumentaux, les ponts et autres ouvrages de génie civil ; il s’agit de la période au cours de laquelle la structure est censée rester normalement utilisable en étant entretenue, mais sans qu’il soit nécessaire de procéder à de grosses réparations.

Une particularité des ouvrages de génie civil est que chaque exemplaire est unique.

Les matériaux employés sont essentiellement le béton, l’acier, la maçonnerie, les sols, et dans une moindre mesure le bois, les composites, les résines, certains plastiques, le caoutchouc, …

 

3)      Etapes et environnement de l’application des examens :

 Les END s’appliquent principalement sur le site d’implantation de l’ouvrage, mais peuvent aussi s’appliquer en usine dans le cadre de la préfabrication d’éléments en béton ou de la fabrication d’éléments métalliques qui seront ensuite assemblés sur site.

Une des particularités du domaine du GC et est la difficulté d’accès aux ouvrages qui nécessite des moyens d’accès spécifiques (échafaudages, nacelles, passerelles, ouvrages provisoires, travaux sur cordes, drones, etc…) qui souvent représentent un pourcentage important du coût de la prestation et poussent à essayer d’utiliser du matériel qui soit le plus léger possible.

Par ailleurs, les ouvrages de génie civil étant situés dans des environnements très variés, les opérateurs d’END peuvent être amenés à intervenir dans des milieux qui peuvent être subaquatiques, bruités, radioactifs, électromagnétiques, sales, pollués (sols) et même parfois dangereux pour leur santé (présence d’amiante, de HAP, ….).

Les interventions doivent assez souvent se faire sous conditions d’exploitation des ouvrages, ou en tous cas gêner le moins possible le chantier de construction ou l’exploitation d’un ouvrage existant. La pression sur les intervenants est tout aussi forte quand l’intervention est programmée lors d’un arrêt de production industrielle des installations hébergées par l’ouvrage.

La prise de conscience de l’évolution culturelle en cours liée au « développement durable » étant faite, reste à la Communauté du Génie Civil à trouver à s’organiser et à définir un cadre afin de partager sur les avancées scientifiques. L’objectif est d’assurer, des laboratoires au terrain, les transferts technologiques de procédés d’auscultation aux performances et incertitudes évaluées, opérées par des personnels qualifiés.

 

4)      Exemples d’applications :

 Parmi les nombreuses méthodes END appliquées sur les ouvrages, nous présentons la radiographie, la mesure du potentiel d’électrode des armatures en acier, l’auscultation sonique des bétons et la surveillance acoustique des câbles.

La radiographie a été appliquée sur les ouvrages en béton précontraint dans les années 1970 afin de détecter les défauts d’injection dans les gaines de précontrainte. Elle est basée sur l’exposition d’un récepteur par un faisceau de rayonnement X ou γ (gammagraphie) à travers un matériau. Le rayonnement est absorbé en fonction de la nature et de la densité du matériau, permettant d’obtenir une image en niveaux de gris de la projection du contenu du matériau sur le récepteur. Les films argentiques utilisés à l’origine comme récepteurs, sont actuellement remplacés par des écrans photostimulables permettant d’obtenir une image numérique qui peut ensuite être traitée pour en tirer une meilleure information. La radioscopie consiste à déplacer en parallèle l’émetteur et le récepteur de part et d’autre d’une paroi à ausculter afin de balayer en continu une grande surface de matériau ; dans ce cas, l’image est numérique et lue en temps réel sur un écran déporté.

En France la pratique est guidée par les textes normatifs suivants : la norme NF A09-202: 1999 qui définit les principes généraux de l'examen radiographique (Gamma et X) et le fascicule de documentation FD A09-203: 1999 présente des exemples de radiogrammes avec leur interprétation).

GC Exemples applications 1

La corrosion des armatures est une cause primordiale de dégradation importante des ouvrages de génie civil. L’état de corrosion des armatures dans le béton peut être appréhendé de manière qualitative en effectuant des mesures de potentiels libres ou potentiels de corrosion. Il s’agit de mesurer, à l’aide d’un voltmètre à haute impédance (10 MΩ au minimum), la différence de potentiel entre l’armature du béton (la connexion nécessite un forage) et une électrode de référence (en général Cu/CuSO4) placée sur le parement de béton. La conductivité électrique est assurée par mouillage de la surface du parement.

Dans le passé, les valeurs des potentiels libres mesurés sur ouvrage étaient ensuite comparées aux valeurs citées dans la norme ASTM C-876-91 (ré-approuvée en 1999) qui délimitaient les probabilités de corrosion (ρ en %) suivantes (pour une électrode de référence Cu/CuSO4) : − Si Ep ≥ -200 mV, ρ < 10% − Si -350 mV ≤ Ep < -200 mV, ρ = 50% − Si Ep < -350 mV, ρ = 50 à 90%. Elles permettaient ainsi d’estimer, dans des conditions normales d’exposition du béton, le degré d’enrouillement éventuel des aciers.

Le retour d’expérience a montré que ces règles n’étaient pas fiables et maintenant il convient de se reporter à la recommandation RILEM TC 154 qui conseille d’interpréter les mesures en gradients de potentiels et non pas en seuils de potentiels. La nouvelle version de la norme ASTM C 876-09 se base maintenant aussi sur des cartes équipotentielles, mais continue à citer les valeurs de seuil mentionnées ci-dessus.

GC Exemples applications 2

L’auscultation sonique des bétons a pour objectif de rechercher des hétérogénéités et des discontinuités dans les structures en béton, et de mesurer l’épaisseur de pièces en béton à l’aide de la mesure de la vitesse du son.  Elle consiste à générer à l’aide d’un émetteur piézoélectrique une onde mécanique de compression dans la structure à ausculter, à recevoir à l’aide d’un récepteur l’onde qui se propage dans tout l’élément et à analyser ses paramètres physiques en différents points de la structure (temps de trajet et amplitude). L’essai est réalisé selon l’une des méthodes décrites dans la norme NF EN 12504-4 : méthode directe dite « par transparence », méthode indirecte dite « de surface », ou méthode semi-directe dite « en semi-transparence ».

GC Exemples applications 3

 

Un exemple : cas du viaduc de Merlebach (Moselle) et les moyens mis en œuvre pour assurer la surveillance

Le viaduc de Merlebach est un pont à poutres précontraintes de type VIPP construit en 1968. D'une longueur totale de 200 m en 6 travées, il permet à l'autoroute A320 de franchir des voies ferrées, deux rues et la rivière "La Rosselle" à Freyming-Merlebach.

Les inspections détaillées de l'ouvrage ont permis de constater des problèmes d'étanchéité et de fissuration, qui ont conduit en 1999 à l'exécution dans le béton de quelques "fenêtres" permettant de constater la dégradation et perte de section des câbles par corrosion.

Une surveillance particulière a été mise en place afin de détecter les ruptures de câbles : la télésurveillance acoustique "CASC". Mise au point au LCPC, elle se base sur un réseau de capteurs (accéléromètres) placés le long de la structure à surveiller et reliés à une armoire électronique. La moindre rupture de fil (chaque poutre en comporte plus de 100) est détectée par les capteurs, l'événement est localisé et les renseignements sont transmis aux personnes concernées.

GC Exemples applications 5

Un plan d'alerte a donc été mis en place, basé sur le risque présenté par l'importance ou la répétition des ruptures. C'est ainsi que les ruptures enregistrées ont conduit le gestionnaire de l'ouvrage (DDE de la Moselle) à progressivement limiter la circulation (voie de droite sur la poutre la plus dégradée), puis à renforcer provisoirement l'ouvrage, tout en maintenant cette surveillance. Cette démarche a permis de préparer la construction d'un ouvrage de remplacement, tout en maintenant en sécurité l'utilisation de l'ouvrage en place.

 

5)     Le personnel :

Un objectif important du comité sectoriel END-GC est de former et certifier les personnels, afin de délivrer en France des prestations d’auscultation ou de contrôle maîtrisées et fiables sur site ou en usine. 

Le Comité venant de se créer, ses premières tâches sont de définir le ou les domaines dans lesquels va se développer cette activité, de mettre au point le ou les référentiels, puis de monter des Centres d’examen.

 

6)     La COFREND et ce secteur :

Ce nouveau comité sectoriel a été validé par la COFREND en novembre 2017.

Une cinquantaine de sociétés en sont membres.  Leurs activités relèvent essentiellement des 3 catégories suivantes :

  • Les bureaux d’études, d’audits, d’expertises et de diagnostics
  • Les sociétés spécialisées en maintenance, contrôles, inspection, services aux entreprises
  • Les Instituts et laboratoires de recherche

Ses membres œuvrent essentiellement dans les domaines du Génie civil :  ouvrages d’art, transport & aménagement des réseaux routiers, bâtiment et énergie.

Le périmètre du GT END&GC est défini par :      

  • Un domaine d’application qui est le béton et la maçonnerie ;
  • un cadre qui est le Génie Civil et les constructions (habitat inclus).

La Surveillance de l’État des Structures (SHM) n’est pas incluse dans le GT dans l’immédiat, mais reste intégrable facilement.

Le GT s’adresse aux maîtres d’ouvrages, équipementiers, chercheurs, formateurs et contrôleurs afin que tous les corps de métiers soient impliqués dans les réflexions et propositions.

 

EN SAVOIR PLUS

 

7)     Le futur, évolutions, la recherche…

Les voies de développements des END du Génie Civil peuvent être regroupées en trois grandes familles d’enjeux :

 - La caractérisation des matériaux :

Les propriétés des matériaux interviennent dans l’estimation de la durée de vie résiduelle des structures et la compréhension des mécanismes de dégradation.

Par exemple les propriétés du béton à évaluer sont la porosité, l'humidité, la résistance à la compression, le module d’élasticité E, la profondeur carbonatée, la teneur en chlorure,..  Les liens entre les mesures END et celles-ci sont avérés ; la procédure pour remonter à des valeurs quantitatives via des traitements de données comme la fusion reste à transférer des laboratoires aux industriels. Les difficultés inhérentes à l’évaluation du béton sont la forte hétérogénéité de celui-ci, sa possible fissuration en surface, les variabilités importantes de sa qualité temporelle et spatiale, les grandes dimensions et l’accessibilité des surfaces des structures à ausculter.

De même, la détection et quantification de la corrosion des armatures et des câbles entre dans cette catégorie tout comme la recherche d’information quantitative sur l’état de contrainte et la fatigue.

 

- La recherche de géométries ou de défauts cachés :

La détection de câbles rompus ou corrodés inaccessibles, celle de fissures fermées et de vides internes, font l’objet d’une attention particulière.

- L’évaluation des structures :

Les travaux portent sur l’analyse du comportement mécanique des structures (analyse modale), les performances thermiques des bâtiments,...

Pour ces deux enjeux la détection précoce des endommagements/défauts est aussi une ligne directrice car l’inspection visuelle, largement pratiquée, alerte sur des désordres pouvant être visibles tardivement, voire trop tard.

Par ailleurs des besoins en développements instrumentaux existent. Ils passent notamment par une augmentation du niveau de maturité technologique (TRL) des méthodes développées dans les laboratoires. Ils sont une réponse à deux mouvements de fond :

- La nécessité d’améliorer la compétitivité économique des mesures END qui passe par une augmentation de la rapidité des mesures via par exemple le développement de méthodes plein champs (comme la thermographie infrarouge), de méthodes ultrasonores sans contact, non-linéaires, et plus avant, la robotisation des mesures y compris avec des robots autonomes.

- L’intégration de nouveaux capteurs au matériau en vue du monitoring de propriétés physiques dans le volume (qui nécessitent l’interaction d’une onde ou d’un champ avec la matière) pour compléter l’arsenal des capteurs traditionnels comme les thermocouples, les jauges de déformation, les cordes vibrantes, les fibres optiques, etc. qui fournissent des informations localisées.

Par ailleurs la mise au point de méthodes d’imagerie reste au cœur des enjeux de développements actuels.

Finalement, les informations des ENDs doivent consolider leur place dans les chaîne de décisions qui entoure la vie des ouvrages (maintenance, risque, fiabilité, etc.) ce qui passe notamment pour le génie civil par une réflexion sur l’obtention de courbes de probabilité de détection (PoD) encore embryonnaire dans ce secteur.